Faire évoluer les métiers plutôt que faire face à leur évolution

Publié le 28 mai 2021 | Dernière mise à jour le 29 juillet 2021

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Pour la dernière semaine du Joli mois de l'Europe, Hélène Chesneau, Conseillère en formation chez OPCO 2i, et Yannick SUZANNE, Président directeur général de l'entreprise HOURAT Précision Mécanique, située dans les Pyrénées-Atlantiques, nous expliquent le rôle de l'investissement dans l'humain pour le développement des entreprises de l'industrie et l'effet levier du Fonds social européen.

Quelle est l’ambition du projet de soutien à la formation en Nouvelle-Aquitaine porté par OPCO 2i et comment le FSE y contribue ?

Hélène Chesneau, Conseillère en formation chez OPCO 2i : Dans un système fortement impacté par la crise économique, le risque est d’assister à un recul de la formation des salariés pour des raisons économiques. C’est dans ce contexte que nous avons construit un projet FSE à destination des entreprises inter-industrielles de -50 salariés, en partenariat avec la Dreets Nouvelle-Aquitaine. L’enjeu est de permettre à nos industries de continuer de former leurs collaborateurs et d’accompagner les mobilités internes, dans une stratégie de développement des compétences des salariés et de sécurisation des parcours professionnels. La formation est un investissement incontournable pour permettre aux entreprises d’innover, de faire preuve de l’audace et de l’agilité nécessaires à la sortie de la crise et à la concrétisation des projets d’avenir. La capacité à réaliser cet investissement est encouragée par le FSE qui, en ce sens, exerce un véritable effet levier dans la mise en œuvre de la formation. Plus concrètement, le projet a une double orientation. L’accompagnement comporte, d’une part, un axe défensif (sécurisation des emplois, des parcours professionnels), dans la mesure où il s’agit d’accompagner les entreprises confrontées à des baisses d’activité en favorisant la mise en place de de formations qui permettent aux salariés de développer de nouvelles compétences ou de remettre à jour certaines pratiques professionnelles. Il comporte, d’autre part, un axe offensif (accompagner les démarches innovantes) pour aider les entreprises ayant des enjeux en termes d’emploi et de recrutement et/ou confrontées à des problématiques d’acquisition ou d’adaptation des compétences des salariés en raison du développement et des mutations stratégiques de leurs activités.

Comment les TPE-PME du territoire font face à l’évolution des métiers de l’industrie ?

Hélène Chesneau : Le maitre mot est l’adaptation. En effet, les métiers de l’industrie sont en évolution permanente car les entreprises doivent s’adapter continuellement aux évolutions du marché, aux mutations technologiques, aux nouvelles règlementations, aux enjeux écologiques, etc. De plus, la crise sanitaire COVID-19 impose aux entreprises d’être davantage encore dans l’ajustement de leurs activités et organisations pour résister à ce choc économique conjoncturel et préparer l’avenir. Plus précisément, les conséquences de la crise sanitaire dans l’économie sont multiples et à cet égard, les entreprises doivent anticiper les investissements dans les compétences pour rebondir et redémarrer l’activité initiale ou innover vers une nouvelle production, conquérir de nouveaux marchés, améliorer la performance industrielle en faisant évoluer les procédés, les organisations. Elles doivent également réviser leurs pratiques, assouplir leur organisation du travail pour être capable de mieux faire face aux situations de crise (faire évoluer les méthodes managériales, développer la digitalisation des process, privilégier les circuits courts). Autre facteur environnemental impactant les entreprises : le manque de ressources humaines dans certains métiers dits en tension. Pour pallier les pénuries de main d’œuvre, les entreprises doivent là aussi engager des démarches innovantes afin de se démarquer, en travaillant notamment leur image via les nouveaux outils, leurs méthodes d’intégration et de fidélisation. Notre projet vise à aider les entreprises, par le biais de l’accompagnement formation, à faire évoluer les métiers - plutôt qu’à faire face à leur évolution - pour s’adapter aux contraintes environnementales ou bien saisir les opportunités liées à ces évolutions économiques, technologiques, sociales, réglementaires, écologiques, etc.

L’entreprise HOURAT Précision Mécanique a bénéficié d’un cofinancement FSE pour former ses salariés. Présentez-nous votre entreprise en quelques mots.

Yannick Suzanne, PDG chez HOURAT Précision Mécanique : Depuis 1970, HOURAT s’inscrit comme un partenaire majeur en mécanique de précision. Basée à Bordes, dans le département des Pyrénées Atlantiques, elle réalise des pièces pour des secteurs aussi variés que l’aéronautique, l’énergie, le secteur pétrolier ou encore ferroviaire. L’entreprise a un chiffre d’affaires d’environ 2,4M€.

Vous avez repris l’entreprise en 2017. Quels étaient pour vous les enjeux à ce moment-là et votre stratégie industrielle ?

Yannick Suzanne  : Au moment où je l’ai reprise, HOURAT était une petite PME familiale, mais j’avais d’autres ambitions pour elle : je voulais en faire une pépite industrielle moderne, agile et décomplexée. Je suis moi-même un industriel, j’ai travaillé dans des grands groupes, mais aussi des petites boîtes, sur des secteurs à haute performance. Je voulais donc transformer cette société de son statut initial à une belle société innovante et décomplexée. Et nous y avons réussi, chez HOURAT nous sommes dans une vraie dynamique de rebond et de reconquête de nos clients et de notre performance, on peut être fiers de ce que l’on fait.
Au départ, nous avons défini notre stratégie et à partir de là, nous avons déterminé les compétences qui nous manquaient pour assurer cette trajectoire. Nous avons aussi eu une deuxième approche d’analyse des risques. Dans une petite PME, à chaque fois que vous avez une compétence unique, vous mettez vos clients en danger, parce qu’en cas d’absence vous ne pouvez plus assurer le service. Nous avons donc souhaité développer la polyvalence et la poli-compétence, mais aussi renforcer les compétences dont on disposait déjà, comme le management.
Dans ce cadre, nous avons notamment pu former une personne qui était responsable tournage et qui avait beaucoup de potentiel, mais qui était institutionnalisée chez HOURAT, il utilisait les anciennes méthodes, il avait un management « à l’ancienne », donc il devait faire une évolution managériale. Il a donc suivi une première formation « Agir sur soi », une deuxième formation « Manageur-leader », puis ensuite une troisième.
Cela a permis une réelle évolution professionnelle pour ce collaborateur et, pour l’entreprise, une amélioration de son organisation et de sa performance industrielle. Aujourd’hui cette personne est chef d’atelier et il s’éclate dans son travail. Je suis convaincu que sans une formation longue, avec une reprise des fondamentaux, il aurait été plus compliqué pour lui de prendre le lead d’une équipe de 26 personnes. Aujourd’hui il utilise les outils qui sont à sa disposition en tant que manageur pour avoir un petit groupe homogène et qui performe.

C’est d’ailleurs quelqu’un qui est assez agile, qui n’est pas du tout en bout de course, il a encore beaucoup de potentiel.
Je suis dans une dynamique de racheter d’autres entreprises, complémentaires toujours les unes des autres, pour avoir un service client étendu. Dans ce cas, je devrais me concentrer sur le rebond de celles-ci et je pourrai le faire, car j’ai totale confiance en lui. Dans cet objectif, nous envisageons également de compléter son profil avec une formation complémentaire de manageur de site pour lui apporter des compétences en finance et gestion, pour qu’il puisse piloter le site avec des indicateurs fiables.

Comment l’investissement dans la formation et la contribution du Fonds social européen ont-ils contribué au succès de votre entreprise ?

Yannick SUZANNE : Comme je vous disais, nous avons défini au départ un plan de formation global de toute la société (des formations internes et externes), dont le budget était assez important, de l’ordre de 60k€.
Je suis convaincu que la formation est un élément capital pour développer son personnel, mais cela coûte très cher aux entreprises et cela est très compliqué à financer. De plus, le système est concurrentiel, car nous avons dans notre région des grandes boîtes, qui sont beaucoup plus attractives que nous, avec nos petits moyens et nous avons du mal à garder le personnel avec des bonnes qualités.
Quand on engage une formation, il y a toujours un risque que la personne qui a été formée ait envie de valoriser ses nouveaux savoir-faire ailleurs. J’aurais hésité à enclencher un tel plan de formation qui nécessite un gros budget sans une aide extérieure.
Le FSE nous a permis d’investir plus sereinement dans l’humain et nous a facilité cette prise de risque, puisque le bassin d’emploi est plus attractif sur des plus grandes sociétés que la nôtre. Ça nous permet d’investir dans les hommes en espérant qu’ils restent. De plus, une fois la formation terminée, il faut être capable de proposer des postes qui soient à la hauteur de ce que la personne vient d’apprendre et ses nouvelles ambitions.

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