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"Plateformisation" du travail – Quels contrôles pour l’inspection du travail ?

Publié le 5 octobre 2022 | Dernière mise à jour le 2 janvier 2023

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Portant sur leur dos des sacs isothermes aux logos « Uber-Eats », « Deliveroo », « Foodora »…, poussant ou tirant des remorques et/ou sacoches marquées « Delicity », « Vlove », « Shopopop »… ces travailleurs livrent à vélo le plus souvent des repas, des courses, des colis…, commandés via une interface numérique, à un restaurant, une épicerie ou une supérette, un site de commerce en ligne…

D’autres, dont les vêtements sont marqués des enseignes « Blue-Valet », « ECTOR »… prennent en charge les véhicules de voyageurs aux portes des gares ou aéroports, pour les stationner sur un parking.

D’autres, « invisibles », travaillent depuis leur domicile pour « l’intelligence artificielle », entrainant des logiciels et payés parfois quelques dixièmes de centimes aux clics de leurs souris.

D’autres occupent des emplois de services à la personne ; besognent au sein de « Dark-Kitchens » ou de « Dark-Stores » ; œuvrent via des messageries…

Ils ont en commun de travailler au gré de missions proposées, au coup par coup, par des algorithmes de « plateformes » numériques. Ils relèvent, pour une large majorité d’entre eux (100 % pour les livreurs de repas), d’un statut d’autoentrepreneur, pour la mise en place duquel ils ont été guidés par des tutoriels et formulaires proposés par la plateforme.
Rencontrant une aspiration de travailleurs à être indépendant, maîtres de leur emploi du temps, ce modèle d’activité se développe rapidement dans un nombre croissant de secteurs professionnels et concerne de plus en plus de personnes.

Mais, dans un très grand nombre de cas l’indépendance recherchée par les uns et revendiquée par les plateformes apparait n’être que de façade : les travailleurs se trouvent dans les faits liés aux plateformes qui subordonnent la proposition de nouvelles mission au respect d’un certain nombre de directives, d’itinéraires et de prix imposés, à l’utilisation d’équipements siglés du logo de la plateforme que les travailleurs doivent payer ; qui infligent des sanctions le cas échéant en réduisant l’activité d’un travailleurs ou en déconnectant son compte. En outre, la concurrence est rude sur le terrain entre « bikers » notamment, de plus en plus nombreux, contraint de travailler jusqu’à soixante heures par semaine afin d’atteindre un revenu avoisinant le SMIC, qui ne peuvent se payer une couverture maladie complémentaire… qui « sous-traitent », parfois un compte à d’autres travailleurs, des « sans-papiers » souvent, qui ne percevront que quelques centaines d’euros en rémunération. Ces travailleurs, autoentrepreneurs, et a fortiori les sous-locataires de compte, se voient ainsi employés dans des conditions très éloignées des règles protectrices posées par le code du travail, dont bénéficient les salariés.

Au vu des réelles conditions d’emploi de ces travailleurs et de l’état de subordination dans lequel ils se trouvent, en faits placés vis-à-vis de la plateforme, les tribunaux requalifient dans de nombreux cas les relations prétendument commerciales en relations salariales (cf. plusieurs jugements en ce sens à l’encontre de Deliveroo, UberEats, foodora, etc.). Les procédures correspondantes sont fréquemment initiées sur la base de procès-verbaux de l’inspection du travail.

Le contrôle et l’analyse des conditions réelles de travail de ces travailleurs, en ce qu’elles contournent l’application des droits protecteurs prévus par le code du travail, portent, au vu de l’ampleur du phénomène, d’importants enjeux pour l’inspection du travail dont elles questionnent les pratiques ordinaires d’intervention et d’enquête : Les plateformes n’ont très souvent ni établissement, ni représentants ou encadrants locaux ; leurs sièges, basés à l’étranger changent aisément de domiciliation ; les documents et consignes fondant les relations de travail sont « numériques », impalpables par nature ; les travailleurs sont en permanence mobiles et, craignant pour leur activité, rechignent souvent à décrire la réalité de leur emploi… Les informations nécessaires au contrôle doivent dès lors être d’abord recherchées sur internet, sur les sites des plateformes, sur les réseaux sociaux, dans les applications et messages que les intéressés consentent à présenter sur leurs téléphones mobiles ou leurs ordinateurs. L’activé des plateformes dépasse le seul cadre territorial de compétence d’un inspecteur du travail et concerne des milliers de travailleurs sur l’ensemble du pays et au-delà ; de ce fait, le contrôle ne peut être mené isolément ; l’enquête est longue et d’envergure. Elle appelle nécessairement des coordinations et des convergences entres inspecteurs du travail, voire le portage par une équipe spécialement constituée. A ce titre, une réunion de travail s’est tenue, il y a quelques semaines, entre des agents et encadrants du système d’inspection du travail des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine…