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Quand les dérives d’un employeur… requièrent la protection de jeunes apprentis

Publié le 19 janvier 2023 | Dernière mise à jour le 24 février 2023

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L’apprentissage est une voie de formation professionnelle plébiscitée par de nombreuses entreprises et par des travailleurs désireux d’acquérir les compétences nécessaires au métier qu’ils ont choisi d’exercer. Le cadre de mise en œuvre et de déroulement de l’apprentissage sont en particulier fixés par le code du travail au travers de dispositions afférentes aux conditions que le maître d’apprentissage doit remplir et de dispositions visant à protéger la santé, l’intégrité physique ou morale des apprentis, a fortiori lorsqu’ils sont mineurs.
Parfois les choses ne se passent pas comme il se devrait et de jeunes travailleurs se trouvent considérés comme une main d’œuvre à bas coût, ne bénéficient pas des apprentissages attendus, voire sont mis en danger.

Une des interventions de l’inspection du travail

Octobre 2020, l’inspection du travail de Charente est alertée par la Chambre des métiers, sur la base d’informations reçues d’un CFA : « des apprentis seraient victimes de violences au sein d’une boulangerie ».
Un contrôle et une enquête sont engagés au sein de l’établissement concerné. Leurs résultats confirment : des coups sont effectivement portés par l’employeur (coups de poing, gifles) sur deux jeunes garçons qui font également l’objet d’humiliations et d’intimidations verbales. Ces apprentis sont régulièrement laissés seuls, contraints à des durées du travail dépassant les limites posées par la Loi (jusqu’à 50 h par semaine) et ne bénéficient pas des deux jours de repos consécutifs dont ils doivent légalement jouir.
Reconnaissant les coups, l’employeur déclare : « c’est pas méchant, c’est pour qu’ils avancent un peu et les remettre dans le droit chemin ».
Engageant une procédure ad hoc, l’inspecteur du travail transmet un rapport circonstancié au Directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de Nouvelle-Aquitaine, qui rend une décision ordonnant la suspension du contrat d’apprentissage des deux jeunes avec effet immédiat et maintien de la rémunération. Il refuse une dizaine de jours plus tard la reprise des contrats d’apprentissage, ce qui entraine la rupture de ceux-ci. Ce refus est assorti d’une interdiction, pour l’employeur, de recruter de nouveaux apprentis ou jeunes sous contrat en alternance pendant une durée d’un an.
Un rapport de signalement, prévu par le code de procédure pénale, est en suivant adressé au procureur de la république du tribunal judiciaire d’Angoulême. Il y est également précisé que l’employeur tient des propos sexistes, déplacés, misogynes et a un comportement inadéquat avec une jeune apprentie mineure âgée de 15 ans qu’il prend dans ses bras, appelle « ma chérie » et avec laquelle il s’enferme dans son « bureau » (pièce notamment pourvue d’un clic-clac et d’une douche). L’employeur ferme son établissement et en ouvre un autre dans un département voisin. Il y recrute, début août 2021 l’apprentie en pâtisserie qu’il avait déjà employée, alors qu’elle avait 15 ans, dans son précédent établissement, de fin 2019 à la date de l’interdiction administrative mentionnée ci-dessus.
La vice procureur du tribunal judiciaire d’Angoulême co-saisit alors un service de gendarmerie et l’inspection du travail d’une demande d’enquête et de contrôle au sein de cet autre établissement, sur les faits signalés.

Mise en danger réitérée des apprentis…

Lors de leur visite, fin novembre 2021, les gendarmes et l’inspecteur du travail constatent que le fournil est sale, les grilles de protection de pétrins sont neutralisées, les installations électriques présentes de nombreuses non conformités et ne font pas l’objet des vérifications réglementaires, le local est dépourvu de système d’aération, les salariés ne portent pas de chaussures de sécurité, ils sont exposés à des risques de chute, ils ne bénéficient pas des visites médicales du travail, les vestiaires ne sont pas conformes, des heures de travail effectuées ne sont pas payées, les deux jours de repos consécutifs ne sont toujours pas accordés aux apprentis, les salaires des apprentis visés par la décision de 2020 n’ont pas été maintenus…
Les gendarmes placent l’employeur en garde-à-vue. L’inspecteur du travail engage une nouvelle procédure qui conduira le Directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de Nouvelle-Aquitaine, à notifier une nouvelle décision de suspension du contrat de travail de l’apprentie pâtissière, puis un refus de reprise de l’apprentissage et une interdiction de recruter un apprenti pendant une durée d’un an.

Condamnation pénale de l’employeur

Poursuivi devant le tribunal correctionnel d’Angoulême, l’employeur est reconnu coupable de faits de harcèlement moral, harcèlement et atteinte sexuelle, travail dissimulé, manquements en matière de durée du travail et de conditions d’hygiène et de sécurité de ses employés, et condamné à une peine d’emprisonnement assortie d’un sursis probatoire de 18 mois avec obligation de soins et de suivi d’un stage de lutte contre le sexisme, ainsi qu à une interdiction de gérer une entreprise pendant dix ans. Il devra également verser quelques milliers d’euros en réparation aux victimes de ses comportements.